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FÉVRIER 2020 85 – Il souhaite possiblement ménager son énergie. Bon quart de veille, les boys! Je ne réussis pas facilement à m’esquiver, car à leur tour les boys m’indiquent tout droit devant les feux de position d’une autre embarcation et celle‐là à au moins 7 milles de notre position. – Bon ça va! Il est 21 h, j’entre me reposer. Comme le jour tire le rideau, j’en fais de même, je ferme mon esprit à toute réflexion, je ne souhaite plus répondre à vos interrogations qui n’en finissent plus. Pour moi sonne la fin des émissions. Maik et moi entrons nous reposer à l’intérieur. Lui comme moi sommes intrigués d’apercevoir nos quatre autres coéquipiers déjà endormis, emmitouflés dans leurs sacs de couchage. Je les compare à des marmottes tapies dans leur terrier. Nous naviguons à trois degrés de latitude sud et le thermomètre indique 26 o C. Ils ont sûrement très chaud. Ils macèrent comme des steaks. Eux, ainsi camouflés, se sentent en sécurité, protégés même d’un prochain grain pouvant souffler méchamment en tous sens. Ils espèrent ne pas être appelés et s’en remettent à la bienveillance des hommes de quart. Vu que la lune tarde à se montrer le croissant, la terrifiante obscurité s’intensifie. Seule l’écume qui coiffe les vagues délimite le pourtour du pont de l’ El Unicornio ; dans ces moments privilégiés, le mystérieux envahit les esprits, à plus forte raison lorsque nul bruit ne trouble le calme de la nuit. Mario, en tant que chef de quart consciencieux, sans en dire mot, s’inquiète. Il ne scande plus l’habituel « pas de problème ». Au contraire, il entrevoit une situation anormale. Sans confirmer le bien‐fondé de ses inquiétudes, il communique ses craintes à Guillermo. L’ambiance s’alourdit. Il scrute longuement l’obscurité. Il ne réussit plus à localiser les feux de position identifiant le bateau qui se trouvait sur notre route il y a moins d’une demi‐heure. Il a beau s’écarquiller les yeux, balayer méthodiquement en tous sens la surface obscure de l’océan lorsque, tout à coup, il décèle à quelques encablures la silhouette grossissante d’un bateau qui semble faire route en notre direction. Sans paniquer, il somme Guillermo de me faire venir au cockpit. Suivant la directive de son chef de quart, il s’empresse de venir me tapoter le mollet de la main. Je sursaute et à nouveau il me secoue énergiquement. – Georges, Mario veut te voir au cockpit, car il y a un bateau proche de nous. Je suis un peu perdu. Quelques secondes suffisent pour que je reprenne connaissance. Juste à voir l’expression crispée sur son visage, j’y vois une urgence. Tel un ressort, je bondis hors du lit. – Bon! J’y vais! Il a tellement l’air désemparé que je m’empresse de le suivre jusqu’au cockpit, et cela, même si fréquemment les équipiers paniquent sans raison; quelquefois, ils stressent en supposant voir un bateau venir sur nous alors qu’il est encore éloigné d’une dizaine de milles. Je monte l’escalier et, à peine la tête au‐dessus du roof, du regard je cherche une mystérieuse silhouette. Sans que j’aie eu le temps de questionner sur ce qui justifie une telle impatience, le faisceau lumineux d’un puissant projecteur s’illumine et nous brouille la vue avec autant de brillance qu’un soleil brûlant sur une plage de sable blanc. Rapidement, ils approchent. Sans que l’on ait à tendre l’oreille, les ronrons de leur engin prédisent une menace imminente. Le calme qui régnait à bord fait place à une montée d’adrénaline. De l’évidence même, le danger est palpable. Ils ont l’intention de nous aborder. Nous entendons l’étrave de leur petit bateau taper sur les vagues, puis dans un fracas indescriptible, il plonge dans le creux des vagues en soulevant des paquets d’eau. Mario a bien vu. Vite, il a sonné l’alarme. C’est le branle‐bas de combat à bord de l’ El Unicornio . J’empoigne la barre à roue encore sous la gouverne du pilote automatique qui m’empêche toujours de modifier le cap. – Mario, mets le pilote automatique Éva sur « STAND BY »! Il est sur le nerf, mais quand même quelques secondes suffisent pour qu’il neutralise le pilote. Je peux maintenant barrer à mon aise. – Les boys, vite! Vous me bordez cette grandvoile ainsi que la voile avant. Vite! Vite! Plus vite! Ils foncent sur nous… Facile pour nous de croire que ces malfrats n’ont sûrement pas de bonnes intentions. Le bateau fantôme devenu réel s’apprête à nous aborder. Il se comporte tel un fauve en embuscade. L’intimidante luminosité émanant du bateau attaquant m’empêche de regarder en sa direction. À bonne vitesse, il approche dangereusement. Je dirige l’ El Unicornio sur une allure face au vent qui favorise une importante accélération et, enfin, il atteint les 12 à 13 nœuds. Les bonzes dirigent leur embarcation de manière à s’approcher en parallèle de l’ El Unicornio ; s’ils réussissent leur manège, cela deviendra facile de deviner la suite des choses. – Ces méchants vont voir de quel bois je me chauffe! La vitesse du voilier augmente. Il s’incline sur une forte gîte, laissant voir davantage les équipiers sur son pont. Nous sommes à découvert et cela nous rend momentanément vulnérables. Ce n’est qu’un passage obligé, car j’estime que dans moins d’une minute ils seront derrière notre tableau et VENEZ NOUS VISITEZ! 1500, rue Principale, Bastican / 418 362-2722 / www.marinavillagebastican.com

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